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25 décembre 1914, tranchée alliée, dans les environs de Neuve-Chapelle, nord de la France

 

Richard Tarçon scrutait au périscope la forêt allemande nous faisant face.

MacDonell, un joyeux farceur, se mit, armée de sa cornemuse, derrière ce dernier.

 

Puis, peinant à cacher son rire Mac pouffa dans sa cornemuse qui émit un bruit des plus assourdissants.

 

Ce qui eut comme réaction un cri d’effroi de la part de Tarçon.

 

–          Fichtre ! Les allemands ! Commandant, l’artillerie, vite ! Chargez soldats…

 

En chœur, la garnison éclata de rire devant la soudaine fureur de Richard.

 

–          Et puis les gars, faites-moi signe avant de me refaire une de ces… Argh, bon ! Mettez-vous à table soldats on est en retard pour la dinde. Allez plus vite !

 

Tout le monde, dans le brouhaha des rires et des conversations, s’assit sur les petites chaises de bois faites sur mesure pour l’occasion.

 

Après plusieurs bouchées de cette fabuleuse volaille, froide mais tellement succulente compte tenu de l’impasse et du froid du champ de bataille au nord de la France, le chef de brigade se leva et sous le vent et la neige glaçant les lèvres dit :

 

–          Au…Aujourd’hui, en ce jour de No…ël. Nous levons notre verre à Dieu qui a su comment nous protéger de cette infamie que subissent de millions de gens ici et ailleurs. Amen.

 

Tout le monde en silence dit ce mot : Amen…

Ce mot revenait souvent ces derniers jours à Neuve-Chapelle, théâtre d’une guerre de tranchée insoutenable, vu la grande offensive allemande s’y préparant.

 

Puis, vers 20 heures, le sergent Alardin regroupa les différentes religions présentes dans la longue tranchée devant Givenchy.

 

Les indiens qui ne voulaient pas être écartés des autres soldats se prêtèrent à la messe catholique, représentée par 90 % des canadiens présents, contrairement aux britanniques, protestants, qui n’acceptèrent de se mêler aux catholiques, simple question de religion.

 

Jusqu’au temps où des bruits de bottes se firent entendre sur la glace du no man’s land au-devant de la tranchée.

 

Abasourdi, tout le monde se rua sur les murs de cette dernière.

 

Une scène presque impossible dans le bain de sang quotidien de la guerre.

 

Un Fritz[1], couvert de neige, portait un petit sapin éclairé par une bougie. Il nous lançait quelque chose d’incompréhensible en allemand.

 

–          Wir kommen in Frieden, machten wir den Waffenstillstand an diesem Tag des Friedens, frohe Weihnachten!

 

Notre traducteur nous dit :

 

–          Il veut faire la paix le jour de Noël les gars !

 

Étonnés, nous sortîmes lentement de la tranchée avec un sourire fendu jusqu’aux oreilles. Un par un nous criâmes en chœur :

 

–          Joyeux Noël ! Frohe Weihnachten !

 

Ensemble, nous échangeâmes nos problèmes et nos réjouissances.

 

Soudain, un soldat allemand sorti de tranchée avec un ballon de foot.

 

On répartit les équipes, mixtes…

On but à la santé de tous…

 

Comme j’aurais aimé que cette nuit dure pendant toute cette saleté de guerre !

 

Pourtant, demain nous serons le 26 décembre 1914 et la guerre recommencera encore et encore…

 

 

[1] Nom donné aux soldats allemands pendant les deux guerres mondiales.

 

Clément Jannard

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