11 septembre 1914, front de la Marne

Le soleil se couchait à l’horizon. Pendant toute une journée, les divisions allemandes tentaient en vain de percer les Français et, au milieu, nous, les « Britanniques », devions contre-attaquer et percer les lignes allemandes. Notre division, la 15e division britannique, avait été placée sous le commandement de John French.

 

Nous avions l’ordre de remplir une mission des plus singulières : couper la communication des Allemands afin de permettre aux Français de frapper l’ennemi à la gauche de la Marne.

 

Il se faisait tard et notre régiment avait été dégarni de tous les objets de métal, mis à part les fusils, pour limiter le boucan qu’ils engendraient. En face, French et les Anglais se pavanaient de fierté. Ils se croyaient les héros de la Marne, ceux qui avaient protégé Paris, alors qu’à quelques kilomètres les français tombaient par milliers pour nous permettre d’avancer sur les Fritz.

 

Le centre de communication se trouvait juste devant nous. Il était surprotégé, et pas seulement par des bleus[1], mais aussi par des Sturmtruppens, l’élite des Boches[2], armés jusqu’aux dents.

 

French ralentit, leva la main et indiqua les boisés. Je me dis, en mon for intérieur, que nous les contournerions certainement par la forêt.

 

Le chef de brigade nous informa qu’il était le moment du gun up. C’était le moment le plus difficile d’une attaque discrète. La plupart du temps, l’ennemi entendait les chargeurs du Mark Ross à des kilomètres et ça finissait dans un bain de sang.

 

Dans le plus grand des calmes, l’unité chargea les fusils en un temps record. Après cette situation tendue, nous pouvions maintenant passer par la forêt.

 

Malheureusement, soit les anglais ne connaissaient rien au mot discrétion ou tout simplement ils étaient complètement sourds puisqu’ils commencèrent à parler sur un ton euphorique comme si la bataille était gagnée d’avance. Reconnaissant leur erreur, toute la division se coucha par terre.  Pendant l’espace d’une minute, rien ne bougea, puis, en un rien de temps, les Allemands se firent entendre. Rapidement, je m’aperçus que l’on était pris en tenaille.

 

French ordonna sur le coup : « Mettez vous à couvert et faites feu ! ».

 

En un rien de temps, se fut la débandade. Les Allemands, en bonne position, ne firent qu’une bouchée de ceux qui n’avaient pu rejoindre les arbres. De notre position, les Allemands étaient invisibles.

 

Le chemin, alors jonché du beige des uniformes britanniques, tournait maintenant au brun-bourgogne. Mais French ne broncha pas.

Soudain, il leva la main et pointa l’autre côté du chemin. Comme si les Allemands l’avaient vu, les tirs s’arrêtèrent brusquement et, lorsque nous sommes sortis de nos positions, une salve synchronisée nous frappa de plein fouet. Cela fut dévastateur. La moitié de nos forces fut décimée.

 

Toutefois, de notre nouvelle position, les Allemands étaient tous à découvert. En un seul coup, les Allemands furent déchiquetés par nos balles.

 

Le reste des troupes allemandes dût se replier vers leurs campements. Depuis le début de la soirée, ce fut notre premier moment de relâchement. La tête basse et sans grande conviction, nous retournâmes vers nos positions initiales avec ce qui restait de la 15e division.

 

Au bout du compte, cette attaque n’aura été, pour French, qu’un prétexte pour démontrer que les soldats Allemands étaient bien plus puissants que le reste du Corps expéditionnaire britannique. Cette tuerie donnera alors toutes les munitions au Premier Ministre britannique pour convaincre son gouvernement que, sans plus d’implication de leur part, la guerre serait perdue.

[1] Nom donné aux recrues.

[2] Terme péjoratif pour désigner un soldat allemand.

Clément Jannard

Imprimer
(Visited 38 times, 1 visits today)

À propos de l'auteur(e)

css.php