Comment l’Internet change la politique

Gabrielle Hurteau, éditorialiste

As-tu déjà entendu ça, des blagues sur les politiciens? Que ce soit par tes parents dans la salle à manger, à la télévision, ou quand tu passes accidentellement à la radio sur le poste de Paul Arcand, entre deux chaînes pop rock alternatives, ça t’est probablement arrivé au moins une fois. Mais, est-ce que t’as déjà vu ça, un tweet de politicien qui devient viral sur toutes les surfaces médiatiques, autant chez les adultes que chez les jeunes ? C’est plutôt rare. Quand on parle de Donald Trump, c’est exactement ce qui s’est passé dans les derniers jours.

Samedi dernier, Donald Trump a tweeté ceci :

« Throughout my life, my two greatest assets have been mental stability and being, like, really smart (…) ». On traduirait ça par : « Au cours de ma vie, mes deux grandes qualités ont été ma stabilité mentale et le fait d’être, genre, très brillant. »

Ce après quoi il s’est mis à insulter Hillary Clinton, ses stratégies politiques, tout en mentionnant son intelligence incroyable, à la fin du tweet en disant « je pense qu’on pourrait décrire (mon succès) comme non pas très brillant, mais comme du génie! Un génie très stable, d’ailleurs. » Ceci était en réponse aux commentaires faits par plusieurs associations de psychologues et neurologues, critiquant et s’interrogeant sur les capacités intellectuelles du dirigeant des États-Unis. Normalement, il est considéré très impoli et mal placé de questionner l’intégrité intellectuelle d’un président américain. Par contre, on pourrait considérer important l’évaluation psychologique d’un candidat présidentiel. Cependant, aux États-Unis, ce n’est pas nécessaire. Nulle part dans le contrat pour le poste est-il exigé d’avoir suivi un test psychologique non seulement pour évaluer la stabilité psychologique, mais également, les capacités cognitives. Selon moi, un politicien se doit d’être évalué et suivi attentivement au cours de son mandat. C’est quand même le dirigeant du monde libre, dont on parle.

L’obsession médiatique

Suite à ces tweets, Donald a été la victime de plusieurs commentaires en ligne. Des animateurs de télévision tels que James Corden (Il anime depuis le 23 mars 2015 le late-night show américain) s’attaquent à la phrase «un génie stable», en la ridiculisant. Les internautes s’en sont donné à cœur joie, en créant des images et des vidéos humoristiques citant la phrase, des personnalités publiques en ont ri, tout ça menant à une vision ridicule du commentaire et du tweet en général. Depuis le début de sa campagne, Donald Trump a été une grande victime de la haine des internautes à travers la planète. Autant dans les débuts de sa présidence grâce au mouvement #NotMyPresident, qui revendiquait sa prise du pouvoir, que par les «memes» qui s’en suivent. Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, la culture populaire sur internet favorise le ridicule et l’absurde, en se servant du président comme clown de service. On peut estimer que ces commentaires sont faits par des Démocrates, en désaccord avec les idées de Trump, mais on observe aussi, selon mes recherches, que les Républicains aussi, sont au courant des publications sur Twitter faites par le président, et décident d’en faire fi. Prenons par exemple Tomi Lahren, commentatrice de la chaîne Fox News, fervente Démocrate, qui tente d’éviter à tout prix de répondre aux questions par rapport aux tweets de Trump. Elle, comme plusieurs autres, ignore sa présence médiatique, et le défend dans ses actions. Même Kellyanne Conway, conseillère politique, se sert de l’obsession qu’a le public avec les tweets de Trump pour éviter les questions à propos des publications faites par le Président.

Un jeu dangereux 

Donald est le premier président américain à parler sans avoir la langue dans sa poche, autant au travers des entrevues que sur les réseaux sociaux. Il parle ouvertement, avec insultes et fautes d’orthographe en plus. Autant certains peuvent s’en réjouir, autant le public se sent incertain, par rapport à ses publications sur les réseaux sociaux. Un tweet rédigé en cette début d’année répondait au dirigeants de la Corée du Nord, en mentionnant posséder lui aussi un bouton nucléaire, plus gros et plus fort que le leur. La communauté internationale hésite à se positionner sur le sujet, car on ne sait pas ce qui est vrai, factuel, ou ce qui est dans les intentions du président. Il pourrait publier une information sur les réseaux sociaux, et agir complètement inversement. On doute la crédibilité de ses publications, tout en gardant l’œil ouvert. Après tout, il possède quand même un «bouton nucléaire» qui pourrait déclencher la guerre et ce, en moins de quelques minutes. L’opération totale, selon un article réalisé par Vox, est organisée pour se réaliser en moins d’une demie-heure. Cela dit, son franc-parler lui a valu et lui vaut encore de nombreux problèmes, quand il est question de passer une loi. Vous voyez, tout ce qui est dit et partagé publiquement par le président peut être utilisé contre lui, selon la loi. C’est exactement ce qui est arrivé lorsque Trump a tenté d’agrandir son interdiction de voyager (qui touche présentement la Libye, le Soudan, la Somalie, le Yémen, l’Iran et la Syrie) vers d’autres pays. Une de ses publications sur Twitter dans laquelle le président disait vouloir empêcher le voyage vers des pays dangereux, a été présentée en Cour lors de la séance se penchant sur cette loi. Or, précédemment ce tweet, le projet de loi spécifiait d’agrandir l’interdiction vers certaines régions supplémentaires, alors que le tweet parlait de pays en entier. Ceci a ralenti le processus du projet, qui tarde encore a être accepté. Comme quoi parfois, il vaut mieux réfléchir avant de tweeter.

Finalement, il est important de savoir que présentement, ce qui se déroule aux États-Unis fait office d’histoire, grâce à Donald Trump, qui, on doit l’admettre, brise de nombreuses barrières. Peut-être que sa présence importante sur Twitter permettra à la politique de devenir graduellement plus humaine, moins censurée. Peut-être apprendrons nous à faire fi de l’image et de la présentation, et à se concentrer sur le contenu des campagnes, plutôt que sur leurs logos. Pour la première fois dans l’histoire de la politique, l’internet a fait d’un dirigeant une blague continuelle, les commentaires hostiles se font sentir des deux côtés de l’échiquier politique, les personnalités publiques se sont fièrement identifiées en faveur ou en désaccord, tout au long du processus politique, et continuent de le faire encore aujourd’hui. Malgré la maladresse, Donald Trump fait parler, il engendre la conversation, autant à l’intérieur du pays que partout à travers le monde, et c’est peut être exactement ce dont nous avons tous besoin pour redéfinir notre identité collective, dans cette nouvelle aire d’information rapide et de surmédiatisation. C’est peut-être le dialogue, la solution. Les temps ont changé, que ce soit pour le mieux, ou pour le pire. Il n’en tient qu’à l’avenir de nous le dire.

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