La puissance au féminin

Au Journal, on aime ça faire les choses d’avance. C’est pourquoi dès février, on s’est mis à parler de la journée de la femme, qui a lieu le 8 mars de chaque année. Pour l’occasion, on a demandé à plusieurs journalistes d’écrire sur une femme inspirante de leur milieu, une femme qui aurait changé, de près ou de loin, leur vie. Pour ma part, bien que j’aie souvent été entourée par des femmes de pouvoir, des femmes qui se démarquaient, le choix a été facile. Il était évident que je me devais d’écrire sur l’enseignante de français et responsable du département de correction du Journal, Kathy Martel. Elle a eu un impact sur ma manière de voir les choses,  spécialement depuis notre entretien du 19 février. J’ai beaucoup apprécié son discours, et j’ai la conviction d’avoir fait le bon choix quant à la femme inspirante dans ma vie. Alors que d’autres sont allés chercher leur inspiration dans leurs familles ou bien au niveau de l’idolâtrie, j’ai préféré choisir une femme que je côtoie souvent, presque tous les jours, même. L’équipe du Journal a su grandir et s’améliorer grandement depuis l’arrivée de cette femme, son ajout a non seulement été bénéfique pour la structure et la qualité du journal, mais aussi au niveau plus personnel. D’avoir un modèle comme elle dans notre quotidien, ça encourage fortement la réflexion. Elle est l’incarnation du pouvoir et de la puissance des femmes, de la passion de l’enseignement. Mon grand-père, pédagogue de profession, dit souvent qu’«un bon enseignant ne devient pas bon avec le temps, il est né bon». Kathy est, à mon avis, de ces bons enseignants. Le 19 février dernier, je me suis rendue dans un local, lors d’une de ses récupérations, et je me suis assise avec elle, le temps d’un sandwich pas de croûte.

Je la connaissais depuis déjà un an, étant donné notre participation dans le Journal, mais je l’ai aussi eue comme enseignante de français en première secondaire. Durant les quatre années séparant nos interactions, son influence sur ma vie est un peu restée dans l’oubli, probablement parce que j’avais vu des dizaines d’enseignants depuis mon secondaire un, et que c’est difficile de se souvenir de l’influence de chacun d’eux sur nos vies. J’avais «oublié» toutes les choses qui avaient fait en sorte que dès ma première journée d’école au secondaire, je suis sortie de ma classe de français avec un défi, une confiance aveugle en l’enseignement que j’allais recevoir. Depuis longtemps déjà, je cherchais en mes enseignants une qualité supérieure, et en Kathy, j’ai été servie. En la revoyant chaque mardi depuis le début de cette année scolaire, j’ai appris à voir une autre facette de cette femme, qui en somme, a été un des éléments clés de mon parcours à l’école Armand-Corbeil. Même en cinquième secondaire, alors que je ne voyais plus possible l’option d’être mise au défi par mes enseignants, Kathy refait surface, au meilleur moment possible. Elle arrive, déplaçant chacune des molécules d’air qui l’entoure, d’un pas rapide, et soudainement, tout prend son sens. Elle savait où elle s’en allait, et je savais que je voulais la suivre.

Lors de notre entretien, je lui parlais de son métier, de son implication dans l’école et de l’image qu’elle projetait dans son milieu. Elle m’expliquait que dans ses débuts, obtenir le respect de ses élèves était difficile, parce qu’elle mettait beaucoup d’emphase sur la discipline. Au cours de son parcours en enseignement en première secondaire, elle a appris à modifier sa relation face à la discipline, face à ses élèves. «C’est donnant-donnant, tu sais, si je les respecte, ils vont me respecter. Ils savent ce que j’attends d’eux. Je suis quand même tenace, dans la vie, et s’il faut que je demande le silence pendant dix minutes, je vais le faire.» Sans avoir abordé la question directement, j’ai pu observer son dévouement à son métier. Dès mon arrivée, elle travaillait déjà sur les questions d’un examen en lien avec la pièce de théâtre qui a retardé notre entretien d’une quinzaine de minutes. À peine sortie de l’autobus, son écran d’ordinateur s’ouvrait pour révéler une liste de questions en cours de préparation. Elle avouait d’ailleurs passer quelques-unes de ses soirées et de ses fins de semaine à travailler sur les projets dans lesquels elle est impliquée. «Ce que j’aime du secondaire un, c’est qu’ils sont plus «malléables», plus réceptifs. Ils rient de mes blagues, ils ont l’humour facile. Avec eux, je fabrique des couronnes et des trophées, ils sont les rois des homophones, les rois des participes passés, je les couronne…» Il est évident qu’elle aime son métier, et qu’elle y met beaucoup du sien.  Elle adore sa matière, ses élèves, ses collègues, son école. Elle est fière des gens qui l’entourent, et c’est réciproque auprès des gens qui la côtoient à tous les jours. D’ailleurs, les gens à qui j’ai parlé à son propos ont tous exprimé aimer la confiance et l’assurance qu’elle dégage, la gentillesse et la franchise avec lesquelles elle affronte les défis du quotidien. Quand j’observe Kathy s’impliquer de manière incessante, quand j’entends par la bande qu’elle travaille sur le Journal tard le soir, quand elle vient me voir pour me parler d’un de mes articles, quand je vois la rapidité à laquelle les textes sont corrigés, la quantité de temps qu’elle met dans son travail, des couronnes jusqu’aux rencontres privées avec des élèves, je vois le genre de personne que j’ai envie d’être.  C’est un art que de se dévouer, ça prend un énorme talent pour se promener à travers la foule en dégageant suffisamment de respect et de confiance pour faire en sorte que les gens se tassent pour éviter de nous pousser. Kathy Martel réussit cet exploit avec brio, selon moi.

Ce que je retiens le plus de sa personne, c’est sa franchise, son honnêteté. Une fois mon dictaphone rangé, elle a répondu plus ouvertement à une question que je lui avais posée pendant notre rencontre. Je lui demandais quel serait le conseil qu’elle donnerait à une personne aspirant lui ressembler. «C’est bizarre, je n’essaie même pas vraiment, je fais juste être qui je suis, et je présente mon avis et mes opinions sans excuses. (…) Je pense que le conseil que je donnerais, c’est d’être honnête, avec les autres, mais aussi avec soi-même. Des fois, ça ne fonctionne pas et il faut être honnête avec soi-même pour éviter de répéter les mêmes erreurs tout le temps». Je pense sincèrement que des femmes comme Kathy, il en faut à la pelletée. Lors de l’entrevue conduite, j’ai vu une femme calme, ouverte et douce, je l’ai connue comme une enseignante aux exigences claires et précises, que l’on ne voulait pas décevoir, je la vois dans le cadre du Journal comme une figure d’autorité indéniable. On veut que Kathy aime notre travail, qu’elle soit fière de nous. Elle apporte une structure et une confiance qui nous donnent envie de la suivre. «Je ne dégage peut-être pas cette assurance-là dans d’autres sphères de ma vie (…), mais je reste authentique avec mes opinions et mes valeurs, peu importe dans quelles circonstances, que ce soit dans l’école ou après les heures de cours». Kathy Martel est la preuve qu’on peut trouver des modèles dans les gens qui nous entourent, que les plus grandes qualités se trouvent parfois déjà autour de nous, que les gens qui valent la peine d’être connus ne sont pas nécessairement inaccessibles et millionnaires. Parfois, c’est une enseignante de français dirigée par la caféine et la passion, et en toute franchise, je pense qu’on a beaucoup plus à apprendre de femmes comme elle que de n’importe quelle célébrité du moment. Elle est simple, honnête, et c’est tout à son honneur.

 

Par Gabrielle Hurteau

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2 thoughts on “La puissance au féminin

  1. Bonsoir,
    Je suis la maman d’une élève de première secondaire.
    J’ai lu ce texte avec un grand intérêt…
    Je dois avouer que ma fille a un énorme respect pour sa prof de français; et ce, depuis sa première rencontre avec Mme Martel.
    Elle me parle régulièrement de son dynamisme et des blagues qu’elle fait en classe… Tout cela, en ayant envie de suivre son cours, semaine après semaine.
    Vous avez bien lu…. Ma grande fille aime ses cours de français !!!
    Je me suis mise à réfléchir. Quels profs m’avaient marquée autant dans ma jeunesse…?
    Nous avons tous des anecdotes, des souvenirs. Cependant, des enseignants qui nous inspire autant… C’est plus rare.
    Alors chapeau Mme Martel! Merci de faire en sorte que nos enfants se sentent bien dans leur peau et à l’aise de poser des questions dans votre cours!
    Vous contribuez certainement à ce qu’ils deviennent de bonnes personnes.
    À la prochaine rencontre de parents, vous serez sur ma liste des profs à rencontrer… 😉

    P.S. Félicitations à Gabrielle pour ta belle plûme.

  2. Mille mercis, Gabrielle, pour ce bel hommage! Je le dis depuis la première secondaire: tu as un réel talent pour l’écriture. C’est un véritable honneur d’être dépeinte par une si belle plume. 🙂

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