Le message au-delà du mamelon

 

Le mouvement Free the Nipple vit un moment magique depuis quelques années. Avec les t-shirts The future is Female, les boutiques montréalaises qui se lancent dans les vêtements non-genrés, sans parler des marches pour les femmes – qui ont lieu depuis longtemps, mais qui attirent de plus en plus de foules depuis la sortie publique d’allégations d’agressions sexuelles contre des personnalités publiques, autant ici qu’en Europe – on voit définitivement une avancée idéologique, au niveau de la condition sexuelle de la femme. Si Balance Ton Porc fut la devise pour 2018 en France, la réforme féminine est devenue celle de tous. On voit le mouvement prendre de l’envergure alors que le rôle de la femme est redéfini. À quoi bon un soutien gorge ? Pourquoi la censure du mamelon féminin ? Les femmes du XXIe siècle imitent les femmes des générations précédentes, et mettent feu à leurs soutiens gorge, cette fois, de manière plus figurative.

Un édito qui explique bien

Le principe du mouvement est vraiment simple. Comme indiqué dans le nom, c’est un mouvement qui revendique la libération sexuelle de la femme. Les membres du mouvement accusent le double standard visible sur Instagram, Facebook, sur toutes les plateformes médiatiques, en fait. Un mamelon, ça n’a pas de genre, non ? Est-ce le gras autour qui détermine sa place sur les réseaux sociaux ? Lili Boisvert, dans son éditorial vidéo pour la chaîne Sexploranous parle d’où vient cette idée du sein comme un objet de sexe chez la société occidentale.  Dans celle-ci, elle aborde l’origine de la pudeur, et du choc entre les deux hémisphères du monde par rapport au sein. Elle l’explique sous l’angle des hommes, qui jusqu’à récemment, étaient soumis aux mêmes régulations quant à la démonstration de mamelons sur la sphère publique. Ils n’avaient pas le droit de se baigner sans haut de corps, de peur de se faire arrêter. Elle démontre historiquement la route à l’émancipation masculine du sein, en terminant par mentionner que le progrès chez la femme, ça se fait mille fois plus lentement.

Un événement au gré du vent

Au cours de mes recherches, j’ai découvert que le dimanche suivant la journée de l’équité féminine – qui a lieu le 26 août de chaque année – tous les humains de la Terre sont encouragés à participer au mouvement « Go Topless », qui promeut l’équité sexuelle et corporelle. C’est ainsi qu’annuellement, on peut voir des seins nus sur le plateau Mont-Royal, près des tam tams, et que partout à travers le monde, ces mêmes manifestations sont visibles.

#mamelon

Sur Instagram, la page revendiquant le mouvement la plus populaire s’appelle @genderless_nipples, et tout ce qu’on y voit, ce sont des mamelons, sans genres. C’est revendicateur, mais ça démontre l’absurdité de la norme. D’ailleurs la page Instagram a souvent été critiquée, pour finalement être bannie, puis réinstaurée par les gérants du réseau social.

OK, mais… moi?

Un des commentaires qu’on voit souvent, dans ce mouvement, c’est que certaines personnes ne peuvent pas se permettre de vivre leurs vies sans soutien gorge. Certaines personnes ont une poitrine trop proéminente, d’autres ont des maux de dos chroniques ou même tout simplement peu de tonus au niveau du tissu corporel. Un sein, ça se tient pas tout seul, et pour certain.e.s, ça ne se tient pas, tout simplement. Toutes ces personnes se sentent souvent laissées de côté par des mouvements de la sorte. Cela dit, l’organisme Free The Nipple est sensible à la réalité de tout.e.s, et comprend que par pudeur ou par prudence, le soutien gorge a raison d’être dans la vie de certain.e.s. Leur site web encourage les membres, qu’ils vivent la vie sans brassière ou qu’ils adorent leurs corsets, à participer de diverses manières à la libération sexuelle des femmes.  En portant simplement un petit X noir sur un t-shirt, là où on pourrait imaginer un mamelon, les membres encouragent de manière silencieuse et respectueuse un mouvement qui leur tient à coeur. Avec un rouleau de « duct tape », il est possible de s’impliquer, sans jamais avoir à se dénuder.

Au final, le mouvement Free The Nipple revendique un code social absurde, et c’est ce qu’il y a de beau, dans le geste. Concrètement, j’ignore si un X sur un t-shirt a changé la vie de quelqu’un, j’ignore si l’impact fut celui désiré. Ce que je sais, c’est que le geste choque. Qu’une femme se dénude par revendication, ça choque. Qu’un mamelon ne porte pas d’identifiant, ça choque. La mentalité de la chose, c’est que l’absurde doit être combattu par l’absurde. Peut-être te diras-tu désintéressé.e par le mouvement, personne ne t’en tiendrait rigueur. Cela dit, un mouvement du genre a pour but d’encourager les gens à revendiquer l’absurdité dans leurs vies. Si toi, tu trouves ça illogique qu’on considère le Cégep comme l’option ultime après le secondaire, si tu trouves ça absurde que des enfants travaillent pour faire tes vêtements, si tu trouves ça absurde qu’il n’y ait pas de slush à la cafétéria, tu peux faire quelque chose pour changer ça. L’absurdité a besoin d’être remise en question, et peut être que c’est ça, le message, au-delà du mamelon.

 

Par Gabrielle Hurteau

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