La Presse: média du public

Le 23 février dernier, des journalistes du Journal d’Armand-Corbeil se sont rendus dans les bureaux de La Presse afin de les inspirer et de les pousser à continuer d’écrire, que ce soit pour le Journal, ou par pur plaisir personnel. Ayant été une des journalistes invitées à l’événement, la visite m’a ouvert les yeux sur une situation qui m’intrigue particulièrement. Voyez-vous, La Presse Plus, la plateforme où se trouve la majorité des dossiers de fond, des nouvelles détaillées, tout comme les articles centrés sur la famille et le bien-être, est disponible uniquement sous la forme d’une application adaptée au format tablette. Aucune trace de l’application sur un cellulaire et sur le site internet de La Presse Plus et une simple plateforme pour guider les gens dans l’utilisation de l’application sur tablette. Est-ce un choix judicieux, que de limiter leur contenu à une partie de la population ? 

 

La tablette, un produit pas si vendeur

 Selon une étude réalisée en 2016 présentée par cefrio, une entreprise étudiant les habitudes électroniques des Québécois, 51% des Québécois possèdent une tablette, alors que 58% possèdent des téléphones intelligents, et 81% possèdent des ordinateurs. À la lumière de ces faits, l’utilisation unique de la tablette pour promouvoir La Presse Plus s’avère être une incohérence, voire même une grosse perte d’argent. De plus, on observe que le marché des tablettes électroniques est en stagnation au Québec, comme on peut le lire à la page 10 du rapport. Effectivement, seulement 8% de la population considère changer ou faire l’acquisition d’une tablette électronique dans les 12 prochains mois. Avec l’obsolescence programmée qui rôde, on peut facilement envisager que les propriétaires de tablettes électroniques ne dépenseront pas leur argent sur le prochain iPad. 

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Une étude présente les possessions d’appareils électroniques des canadiens en 2017

 

Un média de consommation

L’étude mentionnée plus haut aborde aussi une réalité économique troublante. La citation, trouvée à la page 9 du document, aborde les difficultés économiques qui peuvent expliquer le fait que 9% de la population ne possède aucun de ces appareils : «On observe que près d’un tiers des personnes ne possédant aucun de ces appareils ont un faible niveau d’étude ainsi près d’un quart ont un faible revenu familial (inférieur à 20 000 $). Le prix des appareils est probablement un frein important pour ce segment de la population.» Effectivement, lorsqu’on consulte les sites de ventes populaires tels qu’Amazon et eBay, les tablettes les plus vendues sont aux alentours de 100$, sans les frais de transport. Les familles moyennes en 2015 au Québec avaient environ 1 280$ pour les dépenses diverses, et là, on parle des familles faisant plus de 68 000$ par année. Avec tout ça, on observe donc que quiconque n’ayant pas l’argent nécessaire pour s’acheter une tablette décente n’a pas accès à l’information, que ce soit l’article présenté par Isabelle Audet sur la jeunesse, un dossier auquel des jeunes ont participé, mais qu’ils n’ont pas pu lire, si leurs parents ne faisaient pas partie des 51% ayant accès à une tablette. J’ai contacté la journaliste en question, demandant s’il y avait une alternative à la situation, et à ce jour, la réponse tarde à venir. 

Bref, La Presse fait de son information une sorte d’exclusion sociale, étant donné le pourcentage à peine majoritaire d’utilisateurs de tablettes. En excluant les utilisateurs de téléphones intelligents, ils ciblent les familles ayant suffisamment de revenus pour faire l’acquisition d’une tablette, donc, par le fait même, l’acquisition d’autres produits publicitaires trouvés partout à travers l’application. C’est un geste simple, qui a pour but de cibler le public consommateur, mais qui a aussi pour effet de diminuer l’accessibilité de l’information, comme quoi il faut être riche pour être éduqué. 

 

Gabrielle Hurteau

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