Je suis un humain, pas un sexe

Vivre dans une société qui genre les personnes dès la naissance. Parce que tu as un pénis, tu es un garçon. Parce que tu as un vagin, tu es une fille. Pourquoi ne pas tout simplement les laisser grandir dans un environnement qui mélange les deux sexes? Les laisser être des humains sans étiquette, sans pronoms spécifiques, bref, eux-mêmes? Une des communautés les moins populaires de l’ensemble LGBTQ+ est la communauté non-binaire. Une catégorie qui nous permet de ne pas se faire «genrer» au quotidien et d’être libre d’être soi-même. Arnaud Gauthier-Fawas, administrateur de l’inter-LGBT, nous explique : « Je ne suis pas tout à fait sur la même ligne là-dessus. Pour moi, “l’identité de genre” est la façon dont on va se ressentir, c’est aussi ce que disent les personnes trans en général. “L’expression de genre”, elle, va être ce qu’on va refléter de l’extérieur. »

C’est quoi ça, non-binaire?

Selon Karine Espineira, sociologue et membre associée du Laboratoire d’études de genre et de sexualité à l’Université de Paris :

« Cela serait déjà rompre avec l’ordre des genres, c’est-à-dire refuser de s’inscrire en tant qu’homme ou en tant que femme, avec évidemment toutes les choses qui vont avec derrière. C’est le refus de l’inscription dans un genre, avec entre guillemets le refus de tous les rôles inhérents au genre attribué. Au genre “homme” va correspondre tout un tas de choses, au genre “femme”, tout un tas d’autres, dont des oppressions de genre notamment. »

Beaucoup trop compliqué à lire et beaucoup trop détaillé pour rien, me direz-vous. Si je résume en gros ce que ce terme veut dire, c’est lorsqu’une personne ne se sent ni fille, ni garçon, on dit d’elle qu’elle se sent non-binaire. La personne se situe au milieu ou est tout simplement comme une crème glacée à double saveur, saveur masculine et saveur féminine, un mélange, quoi! Je me sens plutôt bien placée pour le savoir, je fais partie de cette communauté.

Un début pas clair

Avant de vous parler des sources, qui vont certainement augmenter votre compréhension du sujet (ce n’est pas toujours facile à comprendre, je le sais), j’aimerais pouvoir faire un témoignage venant tout droit de ma personne. Tout d’abord, j’aimerais commencer par dire que les débuts n’ont pas été simples comme certains peuvent le penser.

Les questions sont venues lentement dans ma tête. Elles ont commencé à surgir aux alentours de mes 15 ans.

Au début, c’était plus une question de vêtements. Je commençais à m’intéresser au fait de vouloir m’habiller avec du linge plus masculin. À ce moment-là, je croyais que ce n’était qu’une question de goût alors je ne me suis pas posé plus de questions. Un jour, une madame m’a confondue avec un garçon. Je ne l’ai pas pris mal, au contraire, je ne m’en suis pas vraiment soucié. Que l’on me dise il ou elle ne me dérangeait plus tant que ça.

En octobre dernier, en écoutant la nouvelle série de Netflix (à ce moment-là), Chilling Adventures of Sabrina, j’ai découvert l’actrice Lachlan Watson qui interprète le personnage de Susie/Theo Putnam. J’ai su par la suite qu’elle/lui était non-binaire, un terme à cet instant que je ne connaissais pas encore. J’ai commencé à m’informer sur le sujet et très vite, je me suis senti identifié avec le terme. J’ai enquêté pendant un bon moment pour comprendre mieux et décider si je me sentais non-binaire ou non. C’est officiellement en février 2019 que je me suis avoué à moi-même que je l’étais.

« J’utilise le pronom « ils », car je sens que c’est le plus approprié à mon identité, mais les pronoms ne me dérangent plus tant maintenant. »

– Lachlan Watson

Acteur non-binaire américain. Il tient notamment le rôle de Théo Putnam dans la série Les Nouvelles Aventures de Sabrina.

Une communauté, d’autres témoins

ATTENTION :POUR CETTE PARTIE, LE ELLE NE GENRE PAS LAUREEN, C’EST SIMPLEMENT POUR AIDER LE LECTEUR À MIEUX COMPRENDRE LE TÉMOIGNAGE

Laureen, une personne de 24 ans, nous parle et nous fait découvrir sa route vers le terme non-binaire. « À ma naissance, le personnel médical a décidé que j’étais une fille, sur base de mes organes génitaux. Cette parole a eu valeur d’expert, personne n’a jamais remis en question cette assignation. » Enfant, Laureen trouvait ridicule le fait qu’il y ait des jouets destinés essentiellement aux garçons ou aux filles. Elle s’amusait autant avec des poupées qu’avec des voitures.

À son adolescence, Laureen se voyait comme « une femme non conventionnelle » et ne tolérait pas que la société impose des rôles aux genres féminins et masculins.

« J’ai d’ailleurs questionné mon orientation sexuelle dès les premières attirances, préférant des figures masculines androgynes… avant de m’engager dans des relations avec des femmes. Mais je n’avais pas atteint la pleine satisfaction quant au fait de me définir en tant que « lesbienne ». Sans réponse, j’ai repoussé mes questionnements à une date ultérieure. »

C’est à ses 23 ans qu’elle découvre le terme non-binaire et tout de suite, elle s’est sentie identifiée. Pour cette personne, se définir comme non-binaire est très libérateur et lui a permis de s’ouvrir sur un monde merveilleux selon elle. « J’ai eu la chance que mon coming out se soit bien passé, d’être soutenu·e par mes ami·e·s et par d’autres personnes transgenres binaires ou non binaires. Mais ça ne s’est pas très bien passé dans ma famille et je ne suis pas totalement out non plus. Dans ma famille et à l’université, les codes sont encore trop rigides, trop conventionnels et/ou trop binaires pour que je me sente à l’aise et en sécurité. »

Genrer les personnes au quotidien est encore un peu difficile pour elle, car elle n’est pas encore tout à fait habituée avec ce concept.

« Alors tu veux changer de sexe ? »

Attention ! Je ne parle pas ici de transgenre, il ne faut pas les mélanger. Selon le site de Tel-jeunes : « Une personne se définissant comme non binaire n’est pas quelqu’un né dans le « mauvais corps », comme le décrirait une personne trans. Elle est donc généralement bien dans sa peau et ne cherche pas nécessairement à changer son physique. »

Les chiffres parlent

Selon une enquête faite aux alentours de janvier – février 2018 en France, auprès des hommes et des femmes de 18 à 30 ans, 13% des personnes interrogées disent ne se sentir ni homme, ni femme, « Certains s’identifient comme « no-gender » (8%), d’autres préfèrent le terme de « gender-fluid » (11%) […] Mais le concept « non-binaire » semble le plus adéquat : il convient à 36% de notre panel. »

Bref, peu importe le sexe que tu décides d’être, tu es une petite créature de l’univers et tu es aimée des gens autour de toi, tu es unique parce que tu es toi-même.

 

Par Daniella Heredia Ciangherotti

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