La programmation: C’est quoi? Pourquoi? Comment?

C’est quoi?

On sait que les algorithmes, le code et la programmation nous entourent et qu’ils sont présents partout dans nos vies (Beyer, 2016; Béziat, 2013; Cloutier, 2016; Karsenti et Bugmann, 2017; Minichiello, 2014; Paré, 2017). Il importe donc de mieux comprendre cette information et de saisir les bases de ce langage (Beyer, 2016; Béziat, 2013; Karsenti et Bugmann, 2017; Minichiello, 2014). Présentement, l’incompréhension des codes nous rend en quelque sorte analphabètes du numérique (Béziat, 2013; Cloutier, 2016). Selon le ministre de la Colombie-Britannique, cet apprentissage permettrait aux élèves de devenir des citoyens équilibrés et habiles à trouver des solutions à des problèmes (Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017). Cette province a d’ailleurs amorcé le virage en intégrant le code à son nouveau programme scolaire.

D’abord obligatoire au Royaume-Uni comme une matière à part entière (Beyer, 2016; Minichiello, 2014), une douzaine de pays européens ont vu la programmation s’intégrer à leur cursus scolaire (Cloutier, 2016; Minichiello, 2014). Par exemple, la France a amorcé une intégration progressive du code à son programme depuis la rentrée 2016 (Beyer, 2016; Dion-Viens, 2017). Au Canada, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse ont aussi rendu cet apprentissage obligatoire pour tous les élèves (Dion-Viens, 2017; Leblanc, 2016). Chez nous, des initiatives individuelles dans certaines commissions scolaires permettent aux élèves d’être initiés à la robotique. Enfin, certains collèges privés comme le Collège Stanislas ont intégré la programmation à leur enseignement (Cloutier, 2016), ce qui met de plus en plus de milieux au diapason de ces apprentissages. À la CSMB par exemple, tous les élèves de l’école Paul-Jarry apprennent à programmer dès la maternelle.

Dans le Programme de formation de l’école québécoise, on mentionne que l’école … se voit également confier le mandat de concourir à l’insertion harmonieuse des jeunes dans la société en leur permettant de s’approprier et d’approfondir les savoirs et les valeurs qui la fondent et en les formant pour qu’ils soient en mesure de participer de façon constructive à son évolution (MEQ, 2006, p. 3).
Comme la robotique et l’intelligence artificielle remplaceront environ 47 % des emplois d’ici 2034, il s’avère impératif de former nos jeunes au développement de ces compétences informatiques (PricewaterhouseCoopers, 2017) et de développer leur intérêt pour des emplois liés à ces domaines (Karsenti et Bugmann, 2017; Leblanc, 2016). Le besoin de main-d’œuvre qualifiée dans les domaines des sciences informatiques et de la robotique se fait sentir partout et nos programmes se doivent d’en faire la promotion (Miller, 2015). Dans la dernière consultation publique, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, explique que la maîtrise de l’univers numérique permettra de rendre l’élève plus libre et de développer ses compétences dans divers domaines (MEES, 2016).

Pouquoi?

Or, une des peurs de la population est d’intégrer la programmation au détriment des apprentissages fondamentaux du primaire (Beyer, 2016). Pourtant, plusieurs recherches révèlent que les sciences informatiques permettent d’enseigner de façon tangible les notions mathématiques (Béziat, 2013; Boisclair, 2016; Karsenti et Bugmann, 2017; Komis et Misirli, 2011; Leblanc, 2016). Parmi les champs mathématiques touchés, on note entre autres, la géométrie et la mesure (angles, transformations géométriques, sens spatial, temps, etc.) (Béziat, 2013; Boisclair, 2016; Komis et Misirli, 2011). On approfondit également certaines notions relatives au sens du nombre et des opérations (addition, nombres décimaux, régularités, etc.) (Béziat, 2013; Komis et Misirli, 2011).

Par ailleurs, différents écrits font également mention du développement de compétences liées à la science et à la technologie (Komis et Misirli, 2011; Leblanc, 2016; Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017). Enfin, il est même relevé que le développement de compétences du domaine des arts (Komis et Misirli, 2011) et du domaine des langues (Béziat, 2013) est favorisé par la robotique et la programmation.

Au-delà du développement des concepts mathématiques et scientifiques, c’est la résolution de problèmes qui est mise à l’avant plan lorsqu’on intègre la robotique et la programmation au cursus des élèves (Béziat, 2013; Boisclair, 2016; Cloutier, 2016; Karsenti et Bugmann, 2017; Komis et Misirli, 2011; Minichiello, 2014; Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017; Romero, 2015, 2017). Cette compétence est développée, entre autres, en laissant la place à l’erreur et en acceptant que les élèves n’aient pas les réponses du premier coup (Boisclair, 2016; Karsenti et Bugmann, 2017; Romero, 2017). En effet, l’erreur permet de mieux appréhender les concepts en mathématique en plus d’être essentielle en science (Romero, 2017). Actuellement, le fait de pénaliser les erreurs et de valoriser les démarches structurées ne nous permet pas d’apprendre de nos essais infructueux (Romero, 2017). Ainsi, l’apprentissage du code amène une compréhension empathique d’un problème (Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017) et développe la créativité pour produire des solutions et les adapter au contexte (Komis et Misirli, 2011; Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017). D’ailleurs, plusieurs stratégies de résolution de problèmes sont mises de l’avant lors de l’apprentissage de la programmation (Boisclair, 2016; Cloutier, 2016; Komis et Misirli, 2011; Minichiello, 2014; Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017) comme les stratégies de reconnaissance et d’analyse, les stratégies de dépannage (ex. : l’essai-erreur), les stratégies de planification, d’organisation et de classement ainsi que les stratégies de validation. Selon les enseignants, une des façons d’enseigner le code aux élèves est de modéliser leurs propres stratégies de résolution de problèmes et d’amener les élèves à élaborer des réponses personnelles (Boisclair, 2016).

En plus, l’apprentissage du code stimule la créativité (Boisclair, 2016; Karsenti et Bugmann, 2017; Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017), le développement de l’esprit critique (Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017; Romero, 2015), les attitudes de collaboration (Béziat, 2013; Boisclair, 2016; Cloutier, 2016; Karsenti et Bugmann, 2017; Komis et Misirli, 2011; Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique, 2017; Romero, 2015) et l’autonomie des élèves (Béziat, 2013; Karsenti et Bugmann, 2017; MEES, 2016).

L’enseignement du code à nos élèves québécois leur permettrait de développer des compétences du 21e siècle (Dion-Viens, 2017; Romero, 2015) et de soutenir une motivation grâce à un engagement lié aux contenus d’apprentissage (Karsenti, 2017; Karsenti et Bugmann, 2017), une rétroaction plus efficace (Boisclair, 2016; Karsenti et Bugmann, 2017) et une dynamique de classe favorisant la communication (Karsenti et Bugmann, 2017; Romero, 2015). L’élève deviendrait donc actif dans ses apprentissages (Karsenti, 2017; Karsenti et Bugmann, 2017) et passerait du paradigme de consommateur de contenu au paradigme de créateur de contenu (Cloutier, 2016).

Comment?

Évidemment, comme les enseignants ne sont pas formés d’emblée pour enseigner le code à leurs élèves, des plans de formation doivent être conçus. De ce fait, pour que la programmation soit intégrée à des scénarios pédagogiques réfléchis qui tiennent compte du programme de formation (Boisclair, 2016; Karsenti, 2017; Komis et Misirli, 2011; MEES, 2016), la formation des enseignants est essentielle (Barriault, 2016; Beyer, 2016; Béziat, 2013; Boisclair, 2016; Cloutier, 2016; Karsenti, 2017; Karsenti et Bugmann, 2017; Leblanc, 2016; Minichiello, 2014; OCDE, 2015). Certains enseignants plus autonomes et motivés seront en mesure de se former eux-mêmes tout en vivant des projets avec les élèves (Boisclair, 2016). On sait que le développement professionnel relié aux TIC n’est pas toujours mis de l’avant dans les milieux scolaires (Barriault, 2016), mais que celui-ci est essentiel à l’intégration en classe, surtout en mathématique (OCDE, 2015). Il faut donc amener les enseignants à faire le lien avec les compétences à développer pour leur permettre de comprendre que la technologie est au service de la pédagogie (Béziat, 2013; OCDE, 2015).

Barriault résume bien l’étude de Rasmy et Karsenti à l’égard du développement professionnel des enseignants face aux TIC (Barriault, 2016). En considérant la théorie motivationnelle de l’autodétermination, l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale sont les besoins déterminants dans la motivation des individus. Le besoin d’autonomie s’est d’ailleurs révélé comme étant celui le moins bien comblé auprès des enseignants. Ces derniers veulent des formations plus axées sur leur pratique réelle. Ainsi, pour favoriser leur motivation à se former, il faudrait leur laisser la liberté de choisir leurs activités de formation. De ce fait, les types de formations préconisés par les enseignants seraient les groupes de développement et la participation à des colloques et des séminaires.

Une autre façon d’initier les enseignants à la programmation est de mettre le matériel à leur disposition (Cloutier, 2016). Le modèle de l’Italie est aussi intéressant. Chaque école nomme un enseignant volontaire pour participer au programme de formation pour ensuite promouvoir ses apprentissages auprès de ses collègues et des élèves. Ces activités de développement professionnel ont été conçues avec des experts, des enseignants et des entreprises privées (Minichiello, 2014).

Liens avec les encadrements légaux

Dans la politique de la réussite éducative (MEES, 2017), certaines orientations peuvent soutenir l’enseignement de la programmation et l’utilisation du numérique, soit «2.2 Mieux intégrer les compétences du 21e siècle et les possibilités du numérique»; «4.2 Assurer le développement et l’appropriation des meilleures pratiques éducatives et pédagogiques» et «6.1 Assurer l’accès à des ressources éducatives et pédagogiques de qualité et à des infrastructures technologiques en permettant une utilisation optimale du numérique». Parmi ces orientations, celle portant sur les pratiques éducatives et pédagogiques peut nous amener à intégrer la programmation à l’école afin de mettre en œuvre concrètement des stratégies d’enseignement efficaces. Utiliser les technologies dans son enseignement permet d’autant plus de différencier les contenus pédagogiques et de varier les stratégies d’apprentissage (OCDE, 2015). L’orientation 2.2 est elle aussi visée par la possibilité de développer plusieurs compétences du 21e siècle par le biais de la programmation. Comme les métiers d’avenir toucheront l’informatique et la robotique, l’apprentissage du code est un bon moyen d’amener les jeunes à développer leur intérêt en ce sens dès la maternelle.  Il serait donc intéressant, voire essentiel d’intégrer ces apprentissages dans nos milieux si ce n’est que pour développer des stratégies de résolution de problèmes et motiver nos élèves, garçons et filles, à rester à l’école pour s’orienter vers des métiers d’avenir. Entrons ensemble dans le 21e siècle… Programmons notre avenir !

Liens avec les stratégies d’enseignement efficaces

Enfin, plusieurs pratiques pédagogiques reconnues efficaces (Marzano et Hattie, 2015) peuvent être supportées par l’utilisation de la programmation . D’abord, l’intention d’apprentissage doit être clairement énoncée à l’élève puisque la programmation vient supporter les apprentissages et le développement des compétences au programme.  L’élève peut alors mieux comprendre ce qu’il doit faire et identifier les étapes à franchir pour y arriver. De plus,  l’engagement dans la tâche est certainement provoqué par un apprentissage actif et des défis réalistes. L’élève peut lui-même se donner des exemples et contre-exemples de ce qui fonctionne et qui ne fonctionne pas puisque les erreurs commises l’amènent à réfléchir à de nouvelles stratégies pour finaliser un projet ou un défi. Lorsque l’élève programme son robot, Les rétroactions obtenues par le démarrage du programme  sont immédiates et précises. Il peut ainsi savoir exactement où il y a un blocage. Ces connaissances réalisées selon une approche déductive lui permettent de généraliser des apprentissages. Éventuellement, la résolution des problèmes pourrait se faire en collaboration. Et puis, l’élève prend graduellement conscience de ses réussites au fur et à mesure qu’il progresse dans les activités de programmation.

Références

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Beyer, C. (2016, 24 novembre). Le codage informatique s’impose peu à peu à l’école. Le Figaro. France.

Béziat, J. (2013). Les TIC à l’école primaire en France : informatique et programmation. Communication présentée au Colloque international sur les TIC en éducation, Montréal. Repéré à https://edutice.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/940669/filename/a1311d.htm

Boisclair, M.-H. (2016, décembre). Robotique et programmation pédagogique. #EduProf. Storify de Twitter. Repéré à https://storify.com/Mboisclair19Bee/robotique-et-programmation-pedagogique

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